Socotra : A la recherche du Phoenix

Magnifique Joël, on ne s'en lasse pas de toutes ces merveilles, j'aimerai avoir quelques petits spécimens dans mon jardin, mais en Ile de France, pas sûr que cela pousserait.

Toujours superbe, tu es un vrai roi mage avec tes plantes à myrrhe
Le Commiphora est très intéressant avec ses feuilles bizarres et son port en parasol , le petit grenadier aussi, je me permets de mettre une photo du grenadier comestible en fleur que j'ai vu récemment, on voit bien la ressemblance des fleurs, mais il s'agit là d'un petit arbre de 2,5m de haut:
grenade

Merci Gisali pour les commentaires !
Guillaume, oui, et il est curieux que ce soient les deux seules espèces du genre ; j'ai chez moi 2 grenadiers qui donnent des fruits dont on fait des jus délicieux. Les Socotris n'ont pas de chance, le leur n'est pas comestible, donc, il n'est pas cultivé et doit ce désintérêt à sa progressive disparition; encore qu'en cas de disette, ils mangent la peau, qui est très amère, les graines étant toxiques. Cela n'a rien de nutritif, mais c'est réellement une île qui n'a que la pêche, les dattes et le tourisme pour survivre. La situation actuelle, même s'ils ne sont pas directement concernés par la guerre qui fait rage au Yémen, les affecte nénamoins profondément, et bien sûr, comme toutes les guerres, très injustement...
Petite parenthèse dans ce long périple sur Socotra...
Joël
à suivre...

Nous nous rendons maintenant vers le plateau de Dixam, où là aussi, la richesse de la flore, sans oublier la faune, est exceptionnelle. /

Au sommet du plateau, les vents violents façonnent les plantes de manière constante durant six mois de l’année.
Les nuages sont annonciateurs de pluie, mais la tranquillité règne et chacun vaque à ses occupations !

Rappelons que plus de la moitié probable des insectes de Socotra est encore inconnue et qu’il reste à découvrir de nouvelles espèces.

Rappelons que plus de la moitié probable des insectes de Socotra est encore inconnue et qu’il reste à découvrir de nouvelles espèces

On trouve ça et là, des restes d’escargots terrestres, mais les précipitations vont apporter de nouvelles générations...

Plusieurs espèces papillons sont remarquables.

Il existe 225 espèces d’oiseaux à Socotra dont seulement 5 sont endémiques, autrement dit qui ne se trouvent nulle part ailleurs au monde, et qui ont décidé de rester sur l'île, alors que tous les autres sont de passage, ou se trouvent également dans d'autres contrées.

JL...

Le plateau de Dixam est peuplé de dragonniers géants (Dracaena cinnabari), tous plus ou moins couverts de blessures infligées pour en extraire le sang de dragon, réputé soigner les blessures des gladiateurs de Rome.

Il est également employé pour teindre le marbre et le plâtre, ainsi qu’en photogravure et pour l’émaillage.

On ne saurait calculer avec exactitude l’âge des Dracaena, mais on donne comme chiffre environ 700 ans.

Vu la quasi non-régénérescence de l’espèce, il est probable que l’on soit en présence de plantes en voie de disparition lorsqu’elles auront accompli leur cycle de vie, à moins qu’un soudain changement climatique permette à nouveau et d’ici là, la germination in situ de ces plantes, et leur sauvegarde.
...
Joël Lodé

La télévision égyptienne Nile TV profite de ma présence à Dixam pour m’interwiever. Le spectacle est assuré !

Une des rares plantes invasives ici est Argemone mexicana, une Papavéracée que j’ai observée pratiquement dans tous les déserts du monde, et qui est également et malheureusement présente sur Socotra. C’est une réelle menace pour la flore locale et il sera difficile de l’éradiquer.

L’une des Asclépiadacées de Socotra est aussi l’une des plus spectaculaires : Caralluma socotrana. Ses fleurs sont d’un rouge orangé a rouge sombre, et les plantes sont très communes dans toute l’île. Elles semblent avoir une durée de vie assez courte, et il n’est pas rare de voir des colonies entières desséchées, mais qui sont rapidement remplacées par de nouvelles générations.

Malgré son nom, Caralluma socotrana n'est pas endémique à Socotra. On la trouve également en Somalie, en Ethiopie.

Aujourd’hui classées dans les Apocynacées, à cause des diverses tendances taxonomiques, ce sont effectivement des genres très proches, avec des fleurs à 5 lobes laissant la place à des follicules, puis des graines anémophiles.

Sur le plateau de Dixam, un arbre apparaît de temps en temps, tortueux et finalement assez quelconque après toutes les beautés rencontrées : on pourrait penser qu’il s’agit d’un Boswellia ou Commiphora, il s’agit pourtant d’une plante extrêmement intéressante, succulente de surcroît, Euphorbia socotrana.

Les fleurs et les fruits ne laissent plus de doute, mais là encore, on ne constate aucune régénération de l’espèce.

Joël Lodé
àsuivre...

PS. j'ai pris un peu de retard à répondre et vous voudrez bien m'en excuser : je subis en ce moment et depuis quelques jours une attaque informatique avec plus de 400.000 mails qui ont été envoyés selon mon webmaster, et aujourd'hui encore, j'en reçois un millier environ pas jour : ça occupe !..



Modifié 1 fois. Dernière modification le 18/05/20 21:14 par jllode.

Fantastiques photos ! Quel dépaysement. Merci pour le partage Joël
Fred

Bonjour Joël, n'existe-t'il pas un programme de reproduction et d'implantation de dragonniers?

Bonjour Fred, tu connais désormais ma cachette !

Bonjour Guillaume, il a existé un programme de reproduction, c'était très modeste, les plantes étaient bien sûr clôturées et plantées sur le plateau dans une pépinière, tout cela financé par une association (je ne la connais pas), mais qui en est restée là. Donc, c'est très modeste.
Ma "théorie" est que ces plantes qui ont une durée de vie probable d'environ 700 ans nécessitent des conditions très particulières pour pouvoir germer, et que les conditions du climat actuel ne sont pas les bonnes (c'est aussi le cas des Canaries, sans qu'il y ait le problème des chèvres). Évidemment, à Socotra, les quelques semis de Dracaena cinnabari qui pourraient germer donnent des plantules qui servent de fourrage aux chèvres, et il est difficile pour une nouvelle génération de pouvoir s'établir.

Mais l'on voit que la plupart des Dracaena visibles sur l'île semblent avoir un âge à peu près identique, ce qui tendrait à nous faire croire qu'ils ont germé dans une période favorable et en grande quantité ; le climat s'est dégradé vers une aridité plus prononcée, et si un changement de climat propice à l'établissement d'une nouvelle génération se produit, si les chèvres ne sont pas déterminantes dans leur raréfaction, il est tout à fait possible qu'une nouvelle génération s'établisse et devienne fructifère avant que les parents de 700 ans ne s'éteignent. Si les parents sont condamnés d'ici un siècle, et que ce changement climatique bénéfique n'a pas eu lieu, l'espèce s'éteindra dans cette période, les plus vieux mourront, et les quelques jeunes qui ont pu s'en sortir périront.

C'est mon idée personnelle sur ce qui attend les dragonniers de Socotra ; comme à Tenerife, seules survivront les espèces cultivées ; Dracaena tamaranae, depuis sa découverte en Grande Canarie* puis sa description récente comme nouvelle espèce en 1998, est en situation tellement critique, que sur une population d'environ 90 individus, déjà une douzaine sont morts de vieillesse. On estime qu'en 2200 ou même avant, il n'y aura plus aucun dracaena sauvage aux Canaries.

Heureusement, les graines de toutes ces espèces germent facilement et l'on peut espérer que l'espèces continuera à exister au moins dans les jardins.

Je ne vous explique pas l'aventure pour approcher le Dracaena tamaranae et les risques pris pour être au plus près !

*(c'est mon ami Günther Kunkel qui les avait aperçus en 1972, et les avait naturellement pris pour des Dracaena draco sauvages, sans se douter un instant qu'il pouvait s'agir d'une nouvelle espèce !).

Joël Lodé
(quelques fautes de frappe corrigées)



Modifié 2 fois. Dernière modification le 20/05/20 18:01 par jllode.

Epoustouflant, on ne se lasse pas de regarder tous ces magnifiques paysages, plantes, fruits, arbres, oiseaux, fleurs, quel beau voyage; un très grand merci Joël.